C’est un dimanche matin gris du début d’automne et j’attends passivement que l’on m’apporte mon petit déjeuner que je venais de commander. Martine feuilletait le journal. À la veille de mes 36 ans, je me surprends à faire des rêves de contrées lointaines. Depuis cinq ans, je travaille pour une boite informatique. J’ai du succès, mais j’ai de moins en moins de plaisir et de motivation. J’ai du mal à accepter les décisions et les exigences d’un patron qui me semble lui-même blasé par la vie.
Je ressens un besoin criant de faire un changement de vie. Je ne me vois pas devenir l’esclave de biens matériels. Autour de moi, je vois des amis qui achètent leur première maison avec la tondeuse à gazon. Ils ont le bien noble projet de fonder une famille. Juste à y penser, ce parcours m’effraie. Est-ce par mon immense besoin de liberté ou par un manque de maturité ?
Il me semble que le sentiment de liberté est drôlement plus attrayant. En déposant les assiettes devant nous, la serveuse me sort de mes rêveries. « Un p’tit réchaud?» Ah! le déjeuner routinier du dimanche matin chez Cora.
– Dis-moi Martine! On en est où avec notre vie ?
Silence
– Es-tu aussi insatisfaite de ta vie routinière que je le suis ?
Silence
– Pourquoi ne ferait-on pas quelque chose de spécial avec l’arrivée de l’an 2000 ? Depuis que je me rappelle, j’ai toujours pensé qu’avec l’arrivée de l’an 2000, je ferai quelque chose de grandiose.
– Comme quoi, me dit-elle.
– Je ne sais pas. Mais, ce que je vois autour de moi, ce sont des gens qui achètent des maisons pour fonder une famille. Franchement, je ne suis vraiment pas à cette étape dans ma vie. Après, les gens semblent devenir tellement stressés qu’ils se mettent à consommer et à prendre toutes sortes de pilules. C’est un futur qui ne m’intéresse pas vraiment.
Silence
– Pourquoi on ne prendrait pas une sabbatique pour faire un grand voyage ?
– OK . On s’y prend comment me dit Martine me regarde droit dans les yeux en souriant en déposant son journal. J’avais maintenant toute son attention.
Je n’en avais aucune idée. Mes seules expériences de voyages se limitaient à des expéditions de canot-camping, de petits voyage sur la côte des États-Unis ou en France, mais toujours avec des amis ou dans une formule tout inclus. Après le déjeuner, les questions fusaient de partout.
Rien de mieux qu’un arrêt chez Renaud-Bray pour se documenter. On est sorti de là avec des livres sur les plus beaux endroits à voir dans le monde et plein de guides de voyages. Ça prenait aussi une carte du monde pour visualiser le projet. Ce matin-là, on a discuté et on a eu des rêves de contrées lointaines tout éveillé.
La naissance d’un de mes projets les plus ambitieux était en train de prendre forme. J’étais maintenant déterminé à réaliser un projet grandiose pour l’an 2000. Une année sabbatique à découvrir des contrées lointaines.