5 septembre 2000 – Quel voyage! Le train pour Moscou a quitté Varsovie avec un peu de retard. Je ne peux m’imaginer que les quelque 1200 km qui séparent les deux villes prendront 24 heures. En entrant dans le wagon, je cherche le numéro de ma cabine. Ah! La voici! C’est une cabine pour 4 personnes. Je valide le numéro devant la porte où deux jeunes Russes discutent ensemble. En ouvrant la porte, ils me souhaitent la bienvenue. Je fais la rencontre de Seigueï et d’Ernest. Ils ont la délicatesse de m’offrir le lit du bas ou le lit du haut.
À peine assis, ils me disent qu’ils veulent tous deux aller faire des études au Canada. Je comprends vite que le drapeau canadien cousu sur mon sac à dos provoque cet élan d’information. J’ai l’impression qu’on va faire un beau voyage. Dans le train pour Moscou, la discussion est facile et le temps passe vite. On n’a pas vu passer les 2 heures et demie que nous voici arrivés à la frontière avec la Biélorussie.
Brest en Biélorussie
Les douaniers polonais montent à bord pour une dernière vérification. Après quelques minutes d’attente, le train se remet en marche. Il roule lentement. Nous traversons un pont ferroviaire qui surplombe la rivière Boug. De nouveau, le train s’immobilise. Au tour des douaniers biélorusses à monter à bord. Par la fenêtre, je vois des militaires postés derrière des barbelés le long de la frontière. Le train avance de nouveau. Du haut d’un mirador, un jeune militaire observe le train passer. C’est épeurant! Il est armé jusqu’aux dents. En plus, il a un visage à glacer le dos. J’ai le sentiment d’entrer dans un autre monde. On arrive dans le village de Brest. Il y a beaucoup de monde sur le quai. Ces gens ont l’air bien plus sympathiques.
Après avoir reçu l’estampe sur mon Visa de transit vers la Russie, les douaniers sont descendus. Sur le quai, des voyageurs sont en ligne pour monter à bord. Le train est reparti. Étrange! On entre dans un grand hangar. Seigueï m’explique qu’on doit changer les roues afin de poursuivre notre route vers l’Est. Les rails du chemin de fer sont plus larges de ce côté-ci du monde. Les roues des trains de l’Europe de l’Ouest sont incompatibles à l’Est. Cette mesure est militaire. Elle vise à stopper tout ennemi qui aurait des ambitions de conquérir la Russie. Sans la maitrise des rails, il est difficile d’approvisionner les troupes d’une armée en route vers Moscou. Par la fenêtre, je vois des hommes qui s’affairent plus bas. Les wagons sont perchés dans les airs. On dirait qu’on attend nos nouvelles roues.
Du bon poulet
Ernest me dit que ça prend environ deux heures pour transformer les wagons. Pendant ce temps, il y a de l’action à bord. Les femmes de Brest sont montées pour vendre leurs victuailles. Elles ont préparé des repas chaud et froid qu’elles proposent aux voyageurs en passant devant chaque cabine. Il y a du poisson, du poulet et des légumes. Évidemment, certaines d’entre elles vendent de la bière froide et de la vodka. Dans notre cabine, mes amis russes m’invitent à partager un poulet et des patates avec eux. Et il y a de la bière pour tous.
Entre deux bouchées, Seigueï me dit que tout est à vendre ici et à bon prix. Certaines vendent même leurs faveurs. Il renchérit en me disant que le salaire moyen en Biélorussie est d’environ 40 USD par mois. Une vieille dame entre dans notre cabine. Elle demande avec insistance qu’on lui donne nos bouteilles vides. La vie de ce côté-ci de la frontière semble vraiment être difficile. Tiens! Tiens! Ça bouge. Le train pour Moscou repart dans la nuit. Durant la soirée, on a fait la rencontre de Peter. Ce jeune Néozélandais est notre voisin de cabine. Il s’est joint à nous pour prendre un coup. Il nous offre de la vodka. Il voyage quelques mois avant de retourner chez lui.
Gentils les Russes
Le train pour Moscou est sur le point d’entrer en gare. On doit ajuster nos montres. Il faut l’avancer d’une heure. C’est pour ça que ma nuit a été courte. À la gare, Seigueï nous présente son ami Andreï qui est venu le chercher. Andreï se propose pour nous déposer, Peter et moi, à l’auberge du voyageur de Moscou. On ne peut pas refuser une telle offre.
Il faut voir comment les Russes conduisent. Sur un grand boulevard, on roule dans la petite Lada d’Andreï lorsque soudainement, et sans prévenir, il décide de faire demi-tour. Il nous a fait une de ces frayeurs. Par la suite, le trajet a été plus tranquille. J’étais tout de même content qu’il nous dépose à notre adresse sur Prospekt Mira.
Mes premiers contacts avec des Russes sont plutôt agréables. Ils sont sympathiques et faciles d’approche. À l’auberge, on est accueilli par une jeune fille qui parle très bien anglais. Le prix pour une chambre est de 504 roubles, soit environ 10,00 $ la nuit. Après avoir déposé nos sacs dans nos chambres, Peter me demande de l’accompagner dans la première sortie. Il veut s’acheter une caméra et aller visiter la Place Rouge. Je suis partant. Je vais en profiter pour m’acheter des films pour ma Canon AE-1.
Des musées sous la terre
Arrivé dans le métro, on tente de se familiariser avec l’alphabet cyrillique et les noms des stations. D’ailleurs, il faut voir comment elle est belle cette station de métro. On s’immobilise devant deux rames de métro qui se font face. On essayait de comprendre le plan du métro pour savoir dans quelle direction nous devions aller pour nous rendre à la Place Rouge. Dans la foule qui bourdonne dans tous les sens, on avait l’air perdu. Une dame s’approche de nous et nous demande en anglais où nous souhaitions aller. En quelques minutes, elle nous a expliqué le fonctionnement du métro de Moscou. Quelle gentillesse!
Après quelques stations, on arrive à la station Ploschad Revolyutsii. C’est époustouflant! De chaque côté des passages en arche qui mènent vers une rame de métro, il y a des statues d’hommes et de femmes rappelant la noblesse des corps de métiers et d’artisans de la société. C’est de toute beauté.
Les stations de métro ont été construites de manière à devenir des abris en cas de guerre. Je ne suis pas certain, mais je crois qu’il y avait deux longs escaliers roulants à prendre pour remonter à la surface. En arrivant dehors, on est passé sous les portes Ivères qui mènent à la fameuse Place Rouge. D’un côté, il y a les murs du Kremlin et de l’autre l’énorme centre commercial Goom où les plus grandes marques de la mode se retrouvent. L’emblématique cathédrale Saint-Bazile règne à l’extrémité de la Place. En marchant devant le Mausolée de Lénine, il y a une file qui attend pour y entrer. L’endroit est impressionnant.
Contrôle d’identité
Après avoir fait le tour de la Place Rouge, on se dirige vers un joli parc qui longe le mur du Kremlin à côté des portes Ivères. Pour y entrer, il faut traverser une énorme clôture en fer noire. Les pointes des barreaux sont décorées d’or tout comme le lettrage et certains symboles. Aussitôt traversé, un policier nous arrête. C’est un contrôle d’identité. On nous avait avertis de faire attention de ne pas nous trouver trop souvent dans leurs pattes. Il semble que ces policiers ont une mauvaise tendance à contrôler plus qu’ils ne le devraient. Un touriste nous a dit qu’il a dû donner plus de 400 USD à l’un d’eux afin d’éviter d’avoir plus de problèmes.
Peter doit partir demain pour Saint-Pétersbourg. Son Visa n’a pas été validé. Bon, le train pour Moscou et cette longue journée m’ont épuisé. On retourne à l’auberge. Bonne nuit!