Arrivé à l’appartement, je me suis empressé d’installer ma carte du monde sur le mur. J’ai une vision de fou comme une idée qui voyage. À tour de rôle, on a identifié à l’aide de punaises de couleurs les endroits que nous souhaitions visiter. Plus on identifiait de lieux sur la carte et plus on constatait notre différente vision du projet.
Quelques semaines plus tard et après de nombreuses discussions, nous avons pris la décision commune de laisser à l’autre le plaisir de réaliser son projet à sa manière. Nous sommes partis chacun de notre côté vivre notre rêve.
La séparation et la charge de travail tout au long de l’automne 1999 ont, en quelque sorte, mis en veilleuse le projet. Tous mes clients devaient changer leurs équipements informatiques et leur logiciel comptable afin de satisfaire les exigences de leur banquier. Pour moi, c’est la manne. Cela me donne des ailes pour relancer mon projet d’année sabbatique. Je suis confiant que je ne manquerai pas d’argent pour le réaliser.
Nous sommes le 31 décembre 1999 et il ne reste que quelques heures avant d’entrer dans le 21e siècle. Une partie du monde a déjà traversé le temps et célèbre déjà un nouveau siècle rempli de promesses. Des feux d’artifices ont illuminé les villages et les villes en Océanie, en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe. Je rêve à mon départ. C’est maintenant au tour des Amériques à célébrer.
À Montréal, on nous annonce qu’il y aura des feux uniques qui illumineront les quatre coins du Mont-Royal. Il ne faut surtout pas manquer ça. Je quitte la maison avec Gipsy, mon «border collie», pour me rendre sur le Sommet Circle à Westmount. On dit que le spectacle de là sera grandiose. On a de la chance. La température est parfaite. On a un bon «spot» et on attend le début du spectacle. Les gens autour sont joyeux. Gipsy est assise devant. Elle est attentive aux propos de la dame qui semble en grande conversation avec elle. J’adore ce chien. Un grand coup de canon retentit dans le vent. Le spectacle commence dans quelques minutes.
C’était magnifique! Bienvenue au nouveau millénaire. Vraiment un beau moment. Sur la route, j’ai eu une idée de fou: une idée qui voyage. Je me lance le grand défi de me rendre jusqu’à Beejing (Pékin) sans prendre l’avion. Depuis que je me souviens, j’ai toujours rêvé de faire la route inverse de mes ancêtres et de traverser l’océan pour revenir en Europe. J’étais tellement excité à mon retour à la maison qu’il était hors de question d’aller me coucher. Installé devant ma carte du monde, j’imaginais mes options de traversée de l’Atlantique en bateau. Est-ce que je passe par le fleuve Saint-Laurent ou je descends à New-York pour embarquer et faire la traversée en bateau? Combien de temps faut-il pour faire la traversée? Où vais-je débarquer : en France, en Angleterre ou ailleurs?
Ce soir-là, mon projet prenait un tout nouveau sens. Il devenait de plus en plus clair que je débuterai mon aventure en Europe après une traversée de l’Atlantique en bateau.
Il reste beaucoup à faire avant la date du départ. Ce soir-là, l’objectif était fixé: je quitterai le pays sur un bateau le 2 juillet 2000.
Une idée qui voyage et vogue vers une nuit infinie de possibilités.